Comprendre la finance islamique

Youssoufa Bouba

"Nous avons perçu le besoin d’une pratique financière alternative dans notre société"

Dans cette interview,  le Directeur de la finance spécialisée d'Afriland First Bank revient sur les fondements de cette pratique bancaire.

 Qu’est-ce que la finance islamique ?

 La Finance Islamique est une autre approche de la Finance fondée sur le respect de la CHARIA encore appelée loi islamique.

 La finance islamique s’adresse-t-elle uniquement aux musulmans ?

 Non, la finance islamique ne s’adresse pas uniquement aux musulmans. C’est une pratique, mieux une technique

 bancaire et comme telle, n’importe quel investisseur peut se l’approprier pour le développement de ses affaires.

 Quels sont les principes de la finance islamique ?

 Les principes de la Finances sont au nombre de cinq:

a-    Prohibition de l’intérêt. Ici au sens conventionnel l’intérêt n’est pas accepté. La banque ne vend pas de l’argent. Elle ne se positionne pas comme un simple bailleur de fonds qui prête de l’argent et, quelque soit le résultat de l’affaire, attend les intérêts produits par son argent en fonction du temps et d’un taux d’intérêt prédéfini. La finance islamique propose que la banque participe à la construction de la richesse pour justifier son gain. Le seul placement d’argent ne suffit pas. Toute transaction permettant à la banque de gagner de l’argent doit se baser sur un actif tangible. C’est la promotion de l’économie réelle au détriment de l’économie virtuelle.

b-    La prohibition de l’incertitude

 Techniquement les juristes de confession islamique ont donné plusieurs définitions à ce terme. Cependant on peut retenir qu’il y a incertitude dans une transaction lorsque l’un des contractants est désavantagé à cause d’une ignorance sur le prix, sur l’article ou sur la date de livraison. Un exemple d’incertitude : la vente d’un oiseau dans le ciel ou d’un poisson dans la mer. Il existe plusieurs formes d’incertitude. :

–         La difficulté de mettre l’objet de la vente à la disposition de l’acheteur. Par exemple, la vente d’une bête perdue.

–         Le manque d’information concernant l’objet de la vente ou son prix. C’est le cas lorsque quelqu’un dit : « Je te vends ce qui est sous la manche de mon habit ».

–         Manque d’information sur la qualité ou le prix de l’objet.

c-   Interdiction des activités illicites

  Selon la loi islamique, le bien qui est l’objet du contrat peut être une marchandise, un service ou un usufruit. Cependant, pour que le contrat soit valide, l’objet doit être licite. C’est ainsi  que le vin, le porc, les jeux de hasard entre autres ne peuvent pas être l’objet d’un contrat puisque la charia interdit au musulman d’acquérir ou de transférer pareils objets dans le cadre d’une transaction.

d-   Partage des pertes et profits

  La banque et le client sont sur le même pied d’égalité. Lorsque le client gagne dans la transaction il partage le gain avec la banque. En cas de perte la banque doit également perdre.

e-   Tangibilité des actifs

  Ce principe renvoie à la notion de l’économie réelle évoquée ci-dessus. Toute transaction doit se baser sur un actif réel. En principe, aucun financement ne doit se faire sur des choses inexistantes.

 A quoi renvoie la responsabilité sociale de l’investissement ?

 En effet l’Islam encourage le commerce et condamne la thésaurisation. Le détenteur d’un capital doit s’employer à l’introduire d’une façon légale dans un circuit productif de richesse comme le commerce. Ce qui participe à la création de la richesse et donc au bénéfice de la communauté. Toute velléité de thésaurisation est sanctionnée en réalité par le paiement d’un « impôt » appelé ZAKAT. 

 Qu’est-ce qui a motivé Afriland First Bank à ouvrir un volet de banque islamique ?

 D’abord l’innovation : Afriland  First Bank est la banque qui innove pour créer de la vitalité au sein de l’économie. C’est en cela qu’elle a toujours su mettre à la disposition de ses clients des produits adaptés à leurs besoins. La mise en œuvre de la finance islamique procède de la volonté d’offrir des alternatives à sa clientèle, étant donné que la finance islamique est une finance alternative. Nous avons perçu le besoin d’une pratique financière alternative dans notre société. Et nous avons immédiatement entrepris de le combler.  La finance islamique offre un choix supplémentaire dans la gamme des choix utilisés par les entrepreneurs. Ensuite la responsabilité de bancariser la société camerounaise : l’amélioration du taux de bancarisation par la satisfaction  des besoins de nombreux clients de confession musulmane était aussi une motivation suffisante pour nous permettre de nous jeter à l’eau.

 Quelles conditions faut-il remplir pour adhérer aux services de finance islamique de Afriland First Bank ?

 Il suffit simplement d’être librement consentant et capable de conclure un contrat. Les produits s’adressent à tout le monde. Aux clients musulmans et aux non musulmans.

 Concrètement que se passe-t-il quand un client ouvre un compte d’épargne dans le volet islamique de Afriland first Bank ?

 Quand il ouvre un compte d’épargne, il est considéré comme un apporteur de capitaux et la banque utilisera ces capitaux pour les investir dans le respect de la loi islamique. Il devra s’attendre à une rémunération non pas sous la forme d’intérêts mais plutôt sous la forme d’un profit à partager entre la banque et lui sur la base d’une clé de répartition convenue d’avance. 

 Quand le client a besoin d’un crédit, que fait-il ?

 Il formule sa demande de financement. Mais au préalable, il a certainement besoin d’être entretenu par un gestionnaire de fonds de commerce qui lui donnera les conseils sur les choix de mode de financement, étant donné qu’il y en a plusieurs. 

 Y a-t-il des agences dédiées à la finance islamique ? Toutes les agences Afriland First Bank peuvent-elles offrir les services de finance islamique ?

 Pour les opérations classiques telles que les versements, les retraits, bref les opérations inter agence, le client peut les effectuer dans n’importe quelle agence du réseau. Mais, pour ce qui est des ouvertures de compte, des demandes de financement et conseils, le client devra se rendre dans l’agence dédiée à la finance islamique sise à la Retraite, Yaoundé. Bien évidemment, c’est pour un début. Le réseau étant appelé à s’étendre, les clients pourront dans l’avenir effectuer toutes leurs opérations, y compris les opérations interbancaires dans toutes les agences de la banque.